L’Union générale des étudiants de Tunisie a décrété l’escalade, lancé un mouvement dit national, une série de protestations, voire l’arrêt des cours dans les facultés et instituts de langues Ibn Charaf et de Tunis, à la faculté du 9-Avril, à La Manouba, à Sousse, à Kairouan, Gafsa, Sfax, Gabès, Béja, Médenine, Le Kef, Tozeur, Jendouba, Sbeïtla, Kasserine.
Quelles sont ses revendications ? L’Uget «ordonne» à l’Etat tunisien de ne pas ouvrir de nouvelles filières pour la formation des enseignants, à l’instar des sciences de l’éducation. Pour quelles raisons ? Ces nouvelles filières menacent, argumentent les meneurs, le droit des étudiants en sciences humaines au recrutement dans le secteur de l’enseignement.
L’organisation syndicale revendique également le droit à une quatrième inscription, l’annulation du calcul des absences, la baisse de la moyenne de passage et la réadmission des étudiants renvoyés pour fautes graves, comme la fraude aux examens, les longues absences non justifiées, les violences verbales et physiques envers les enseignants et le personnel administratif.
L’Uget réclame, très sérieusement, de laisser les étudiants sécher les cours à leur guise, de redoubler, de tripler, c’est acquis, et de quadrupler dans la même classe autant qu’ils le souhaitent, de passer d’un niveau à l’autre sans forcément avoir la moyenne de 10, de tricher aux examens, d’insulter l’autorité et enfin d’être recrutés d’office par l’Education nationale dès l’obtention du «diplôme» pour retransmettre leur «savoir» aux générations futures ! Résumons-nous: il ne faut donc pas déranger les étudiants — protégés de l’Uget — pendant toute la durée de leurs études, ça prendra le temps qu’il faudra. Il ne faut pas les tourmenter non plus par des règles de discipline. Et il ne faut surtout pas leur imposer une quelconque compétition avec des diplômés plus habilités, de par leur formation, à devenir enseignants, sinon l’Uget se fâche et le fait savoir. Si ce n’est pas une grande dérive du militantisme syndical, alors qu’est-ce que c’est ?
Certaines requêtes, comme l’amélioration des prestations universitaires, la restauration, le logement et le transport sont légitimes. Toutes les chaînes logistiques devraient être auditées, la mauvaise gouvernance s’étend à tous les niveaux. En revanche, toutes les autres «revendications» sont nulles et non avenues dans un Etat digne de ce nom. En décrétant ainsi des grèves pour un oui ou pour un non, en rallongeant à chaque fois un peu plus la liste des doléances, l’Uget, certaines fédérations sectorielles et des dirigeants de la maison mère, l’Ugtt, sont en train de détruire — ils y sont parvenus en partie — les fondements mêmes de la nation, à savoir son système éducatif. Face à cela, les calculs à courte vue des dirigeants politiques depuis 2011 ont laissé libre champ à ces syndicats de pratiquer la politique de la terre brûlée en toute impunité. Tout en prétendant le sauver, ceux-là ont détruit méthodiquement ce qui était jadis le fleuron de la Tunisie, le service public d’éducation.
Quand cela s’arrêtera-t-il ? Le jour où élèves, étudiants, enseignants, population, société civile, médias et pouvoirs publics défendront l’intérêt général, les institutions, la crédibilité des diplômes nationaux et quelques valeurs éthiques de ces dangereux dérapages enveloppés d’activisme syndical, l’enseignement public commencera alors à s’engager sur la voie de la guérison.